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FEMMES PORTEUSES D’EAU VIVE

Nous nous sommes réunis pour préparer la Journée Mondiale de la Femme Catholique sur le thème « Porteuses d’eau vive, à un monde assoiffé de paix » (Jean 4, 10-43). Nous avons donc réfléchi ensemble à ce thème, qui comporte trois mots importants : EAU VIVE, PAIX et ASSOIFFE.


  1. ASSOIFFES :
Nous avons commencé par nous demander de quoi ceux qui nous entourent ont soif. En particulier, ceux et celles qui vivent dans les conditions les plus difficiles: les pauvres, les petits, ceux qui sont méprisés, ceux qui sont rejetés. Car c’est le Christ qui parle en eux, quand Il dit à la Samaritaine : « Donne-moi à boire ». C’est dans le plus petit de nos frères et de nos sœurs, que nous rencontrons Jésus (Matthieu 25, 42). Nous avons parlé de tous ceux qui ont faim, qui n’arrivent pas à vivre, les mendiants qui sont sur la route et ceux qui se cachent, tous les étrangers qui viennent parmi nous. Et surtout ceux qui vivent dans la plus grande pauvreté (les plus fatigués) et que l’on ne voit pas. Ceux qui ne viennent jamais à la Caritas demander de l’aide, parce qu’ils ont trop honte. Et qu’ils n’ont plus aucun courage ni pour eux, ni pour leurs enfants. Nous avons parlé aussi de toutes les victimes de violences autour de nous (voir plus loin).

  1. JESUS ET LA SAMARITAINE :
L’eau vive, on en parle en particulier, dans la rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Jésus accepte, non seulement de rencontrer cette femme, mais Il lui demande un service, Il lui demande à boire. Pourtant cette femme est d’une autre ethnie, une Samaritaine. Et les Juifs et les Samaritains se faisaient la guerre. C’est une païenne, et en plus c’est une femme de mauvaise vie. Et pourtant Jésus lui parle. Il l’accueille avec respect. Il voit en elle sa dignité de femme, fille de Dieu. Il ne lui fait pas la morale. Il ne lui demande pas de changer sa vie, Il lui demande un service. C’est la première chose que nous avons à faire, avec ceux qui ont soif d’eau vive autour de nous. Quand je demande un service à quelqu’un, je lui donne sa dignité. Je crois qu’il peut faire quelque chose pour moi : j’ai besoin de lui, il est important pour moi.
Ensuite, Jésus lui parle de sa vie de chaque jour : elle est obligée de venir puiser de l’eau pour la maison, et elle le fait en plein midi, à l’heure où les autres se reposent. Parce qu’elle est méprisée et humiliée au village. Jésus nous demande d’aider en premier les pauvres, les petits, ceux qui sont rejetés, ceux qui sont écrasés. Il nous demande d’aimer tout le monde sans choisir, et sans rejeter personne. Et quand nous rencontrons nos frères et nos sœurs, ne commençons pas à leur faire des discours religieux. Parlons-leur de leur vie, de leurs besoins et de ce qu’il y a dans leur cœur. Comme Jésus l’a fait avec cette femme.
Ensuite Jésus l’aide à aller plus profondément, à dépasser les besoins matériels, à voir les besoins de son cœur, en lui disant : « Va appeler ton mari ! ». Et quand elle dit : je n’ai pas de mari, Jésus ne lui fait pas de reproches, Il ne lui dit pas « Tu es une femme de mauvaise vie, il faut te marier, il faut être sérieuse », Jésus lui dit : « Femme, tu as dit la vérité ». Donc Il la félicite, Il l’encourage, Il ne voit pas les mauvaises choses qu’elle a faites, Il voit ses qualités, sa vérité. C’est cela qui la fait grandir. C’est comme cela que nous pouvons nous aussi aider ceux qui ont soif de vie dans leur corps, la vie matérielle, et de vie dans leur cœur : l’amitié et la vie spirituelle.
Arrivé à ce niveau spirituel, Jésus peut répondre à la femme qui lui demande : « Où on doit prier ? » Dieu cherche des adorateurs, en esprit et en vérité ». Nous aussi, nous voulons aider nos frères et nos sœurs qui souffrent, à être ces adorateurs en esprit et en vérité, quelle que soit leur religion. Dieu regarde les cœurs. Il nous demande d’aimer les hommes de toutes les religions. L’important ce n’est pas Jérusalem, ce n’est pas Rome ou la Mecque. C’est le cœur de l’homme. Car le cœur de l’homme, c’est le temple du Saint Esprit comme Saint Paul nous l’a dit.
Et alors, nos frères et nos sœurs pourront se mettre debout. Ils iront vers les autres. Ils deviendront missionnaires, comme cette femme qui va faire connaître Jésus à ceux de son village en disant : « Je n’ai jamais vu quelqu’un qui a parlé comme cela, Il m’a dit tout ce que j’ai fait ». Et Il l’a dit dans la bonté, dans l’amour et dans le pardon. C’est de cette façon que nous avons à être missionnaires envers les uns et les autres. Pas seulement en parlant, en enseignant l’Evangile. Mais en aidant les gens à connaître et à aimer Jésus, pour qu’eux-mêmes puissent vivre avec Jésus, comme les habitants de Samarie le disaient à cette femme : « maintenant nous l’avons vu et nous croyons en lui. Pas à cause de ce que tu as dit, mais à cause de ce qu’Il est et que nous avons vu ». Notre but ce n’est pas d’annoncer une parole, ni d’enseigner, mais c’est de mettre nos frères et nos sœurs en contact avec Jésus, qu’ils soient chrétiens ou musulmans. Car Jésus est aussi un prophète dans l’islam. On en parle souvent dans le Coran. Et lorsque nous avons mis nos frères et nos sœurs en contact avec Jésus, de nous reculer et de nous effacer, comme Jean Baptiste disait de Jésus : « Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue ». Nous commençons par vivre l’amitié, une vraie amitié avec nos frères et nos sœurs, puis nous laissons la place à Jésus. Comme cette femme de Samarie, dont nous ne connaissons même pas le nom. Nous n’attachons pas ceux que nous aimons à nous-mêmes, nous les conduisons à Jésus, pour qu’ils puissent vivre leur vie dans la paix, dans la joie et dans la liberté.

3) L’EAU VIVE
Cette eau vive qu’est-ce que c’est ? Bien sûr, ce n’est pas seulement l’eau que nous buvons chaque jour. C’est l’eau de la vie, c’est l’eau qui vient de Dieu, c’est le Saint Esprit. C’est, comme le dit Jésus, prier et aimer en esprit et en vérité. Nous ne pouvons pas être porteuses d’eau vive, si nous-mêmes nous ne vivons pas de cette eau. Si nous ne nous laissons pas conduire par l’Esprit Saint : en l’écoutant dans notre cœur, en lui demandant de nous éclairer, en lui demandant : » si Jésus était là, qu’est-ce qu’Il ferait ? » . Pour vivre avec nos frères et nos sœurs ce que Jésus a vécu avec cette Samaritaine.

  1. APPORTER LA PAIX
La paix, tout le monde la cherche dans son cœur. C’est comme cela que nous nous saluons, dans chacune de nos langues ici au Sénégal : Djamma rek, Kassoumaye, Jamm tan, Jamm son…. Pour nous chrétiens, il s’agit d’apporter la vraie paix, la paix de Jésus Christ, Jésus nous dit : « Je ne suis pas venu apporter la paix, comme le monde la donne ». Jésus nous apporte la vraie paix, au plus profond de notre cœur. Cette paix nous la vivons dans les plus petites choses de notre vie. D’abord dans notre famille, et aussi dans nos relations, là où nous travaillons, dans notre vie de tous les jours, dans nos rencontres et nos loisirs, dans notre vie de quartier. Cette paix nous ne la construisons pas personnellement. Nous la construisons ensemble d’abord dans notre mouvement des femmes catholiques, ensuite dans notre paroisse.
Mais pas seulement dans notre paroisse. Aussi dans notre quartier, avec toutes les organisations qui existent : les ONG pour l’alphabétisation, la santé, la régulation des naissances, l’emploi, les transformations des produits, la lutte contre la violence, et toutes ces autres choses. Et avec les chefs de quartiers, les badièni gokh, les imams, les associations de femmes, les ASC et les autres organisations de jeunes. Et avec le Conseil municipal, et la commune.
C’est là que le Seigneur nous appelle. Jésus n’a pas rencontré cette femme à la synagogue, la maison de prière. Sans doute qu’elle n’y allait même pas ! Il l’a rencontrée au puits, au travail, dans sa vie de femme. Nous sommes le sel de la terre, pas seulement le sel de la paroisse. Nous sommes la lumière du monde, du monde entier, pas seulement de l’Eglise. Et si nous sommes la lumière du monde, nous devons protéger ce monde : protéger notre terre que Dieu nous a donnée, respecter la création, participer à tous les efforts pour l’écologie, pour la protection de la nature. C’est ainsi que nous porterons l’eau qui fait vivre, l’eau vive, au monde entier. « Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, donne-nous la paix »

LES COMPTE-RENDUS :
Après avoir réfléchi ensemble à ce thème de la Journée Mondiale, nous avons partagé les comptes-rendus des équipes des différentes paroisses, sur les thèmes d’approfondissement qui leur avaient été proposés :

  1. L’éducation des filles
  2. L’autonomisation des femmes
  3. Construire un monde assoiffé de paix et de sécurité
  4. Les violences faites aux femmes et aux enfants
  5. Femme porteuse d’eau vive
  6. La place des jeunes femmes
  7. Le rôle de la famille.

1)Après la présentation de chacun des thèmes, nous avons pris un temps de réflexion et de discussions pour approfondir les réponses proposées. On peut nous demander ces compte-rendus. Voici l’une ou l’autre chose que nous avons dites, par exemple sur le premier thème, l’éducation des filles. Cette éducation doit commencer dans notre propre famille, avec nos propres enfants et les enfants qui vivent chez nous. Cette éducation ne doit pas se limiter à la ville, mais voir aussi ce qui nous est possible de faire dans le monde rural. Nous avons tous des parents et des amis qui vivent dans les villages. Nous devons améliorer ces relations. Nous ne pouvons pas accepter qu’on fasse venir des petites cousines ou des nièces du village, pour venir s’occuper de nos bébés et de nos maisons en ville, comme cela se fait malheureusement, même dans des bonnes familles chrétiennes. Au lieu de les envoyer à l’école, ou de leur apprendre un métier Pour le travail à la maison, nous veillerons à ne pas laisser tout ce travail à nos filles. Nous demanderons leur participation aussi à nos garçons, pour qu’ils soient de bons pères et de bons maris plus tard. Et pour que nos filles aient le temps d’étudier et de préparer leur avenir, aussi bien que nos garçons.

Nous avons parlé de l’éducation dans les écoles catholiques, où il y a encore des choses à faire. Mais sans nous limiter aux écoles catholiques. Catholique veut dire universel. Nous sommes responsables de toutes les écoles, de tous les enseignants, de tous les élèves et de tous les parents d’élèves, quelle que soit leur école. D’ailleurs il y a beaucoup d’élèves et d’enseignants chrétiens dans les écoles publiques et dans les écoles laïques privées, où il y a beaucoup de problèmes. C’est là aussi que nous devons nous engager, pas seulement dans les écoles catholiques. Est-ce que nous participons aux assemblées des parents d’élèves ? Est-ce que nous voyons ce qui s’y passe réellement ? Est-ce que nous voyons comment l’argent des cotisations des parents d’élèves est utilisé : Est-ce qu’il n’est pas détourné ? Est-ce qu’il est utilisé par les plus pauvres ? Et pour les vrais besoins ?

Nous les mamans, il n’est pas question d’agir toutes seules. Nous parlons avec nos maris et nous agissons ensemble. Nous éduquons nos filles pour qu’elles prennent leurs responsabilités, dans la vie du couple et la famille. Quand elles se marient, qu’elles ne pensent pas c’est le mari qui doit assurer toute la vie de la famille. Et que l’argent qu’elles gagnent, elles, c’est seulement pour s’acheter des habits, des bijoux, ou pour se maquiller. Si la femme travaille, elle doit prendre sa part, à égalité et ensemble avec son mari, que ce soit pour la vie de la maison ou l’éducation des enfants. Tous les deux, ensemble, sont responsables, aussi bien des garçons que des filles.

Ensuite, après encore d’autres propositions, nous nous sommes demandés, pas seulement ce qu’on pourrait faire, mais qu’est-ce que nous avons déjà fait en cela. Il est important de voir déjà les bonnes choses que nous vivons. Et de même nos décisions en pratique.

4)Je ne peux pas reprendre tout ce qui a été dit sur ces 7 thèmes. Simplement l’une ou l’autre chose par rapport au thème de la violence faite aux femmes et aux enfants. Nous avons parlé des enfants travailleurs dans les ateliers et aussi aux petits porteurs dans les marchés, les petites filles que l’on fait travailler comme employées de maison au lieu de les envoyer à l’école. Nous avons parlé pas seulement des coups aux enfants, aux filles et même aux femmes. Mais aussi de toutes les humiliations et de toutes les brimades. Nous avons réfléchi à la question de l’excision qui est l’une des plus grandes violences faites contre les petites filles. Et aussi des enfants mendiants, en essayant d’analyser le phénomène, et d’en voir les causes. En particulier les écoles coraniques, car ce sont elles qui fournissent le plus grand nombre d’enfants dans la rue : les talibés frappés et mal traités s’enfuient à cause des coups. Il s’agit de réfléchir ensemble, avec nos amis musulmans, avec eux non pas contre eux.

Il est important dans tout cela de soutenir les efforts de l’Etat, et aussi des ONG. Pas seulement d’aider les personnes, individuellement, dans nos associations catholiques. A ce sujet, nous avons parlé des boutiques des droits et des maisons de justice, pour régler les conflits et aider les femmes et jeunes filles victimes de violence. Mais certaines d’entre nous ne les connaissent même pas ! Dans ces conditions, comment soutenir leurs actions ? Sur un plan plus général, nous avons parlé aussi des actions de l’Etat pour la santé, la CMU (Couverture Médicale Universelle), du plan Sésame pour les personnes âgées, de la carte d’égalité des chances pour les handicapés, des césariennes et des soins gratuits pour les enfants de 0 à 5 ans.
Nous avons parlé de l’importance d’un engagement politique, au moins à la base, dans nos quartiers. Et d’abord de la nécessité d’avoir nos nouvelles cartes d’identité, pour pouvoir voter. Et puisque le parrainage a été décidé, d’y participer, en réfléchissant en conscience pour qui nous allons choisir. L’Eglise nous laisse libre. Mais elle nous demande de nous engager d’une façon désintéressée, pour le bien du pays et sans nous laisser acheter.

En conclusion, nous avons dit que la prière est vraiment ce qui nous donne l’eau vive, pour la partager avec tous ceux et celles qui ont soif de cette eau qui donne la vie. Mais nous ne pouvons pas nous limiter à la prière, ni limiter l’évangélisation à enseigner la parole de Dieu. Il s’agit d’agir avec nos frères et nos sœurs, ensemble, dans la vie de tous les jours. Jésus disait : « Ce ne sont pas ceux qui disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume de Dieu, mais ce sont ceux qui FONT la volonté de mon Père ». Ce Royaume est ouvert à tous, sans distinction, et il concerne toute la vie. Ne pas agir individuellement mais agir ensemble.

D’abord au niveau de la paroisse : pas seulement dans la chorale, les groupes de prières, ou la catéchèse mais aussi dans la Caritas, la Commission Justice et Paix et dans les CEB. Dans le mouvement des femmes catholiques, et en soutenant les mouvements de jeunes et d’enfants.

Pas seulement entre chrétiens, mais avec les autres organisations et associations qui existent autour de nous, comme nous l’avons expliqué plus haut. Agir à la base dans les quartiers en commençant par de petites choses. Et en participant aux bonnes choses qui sont menées par l’Etat, les ONG et d’autres personnes.

Dans tout cela, il est important de revenir à la méthode de l’action catholique : ne pas nous contenter de grandes déclarations, de discours, de conférences suivies de débats. Mais partir des petites choses concrètes de notre vie, ce qu’on appelle des faits de vie : voir ce qui se passe vraiment avec les causes et les conséquences, réfléchir à la lumière de la Parole de Dieu et ensuite agir avec la force et la lumière de l’Esprit Saint.
A ce moment-là nous serons vraiment porteuses d’eau vive pour un monde assoiffé de paix.
Père Armel Duteil




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